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La Vie Infinie

La Vie est éternelle. Il serait absurde, à mon avis, de dire qu'elle est immortelle. Ce qui est immortel en nous, c'est ce qui a eu un commencement, c'est notre centre de conscience.

Les consciences sont la création à l'infini de la Vie infinie et éternelle dans les formes finies et mortelles. Ce sont les filles immortelles de la Vie. La Vie est leur principe, leur père; la Forme est leur mère.

Quand nous parlons de l'évolution de la Vie, nous ne voulons pas dire que la Vie change. Elle ne peut changer. Elle est ce qui est. Ce qui nous donne l'illusion qu'elle évolue, c'est, sous la poussée de la Vie, le refoulement puis l'usure, jusqu'à l'annihilation, de la barrière de la Forme complexe qui, aux yeux de l'être, semble la border, l'isole en la séparant des autres consciences, l'individualise. En réalité, c'est la conscience qui évolue. La conscience, c'est la Vie se connaissant. Et l'évolution de la conscience est la progression de cette connaissance, dans le Temps.

Lorsqu'une forme cesse de lui faire obstacle, cette Vie, qui se manifeste comme conscience, nous semble s'étendre au-delà. Au fur et à mesure que s'annihile son mur d'illusion, nous voyons que cette forme n'enfermait pas la Vie, mais que c'est la Vie au contraire qui enfermait cette forme - et aussi, nécessairement et en réalité, toutes les formes.

Ainsi se libère la Vie.

Libérer la Vie, c'est libérer sa conscience et par conséquent passer à travers les barrières qui séparent les êtres, et au delà, c'est-à-dire du Temps dans l’Éternité.

Lorsque la Conscience a évolué au point qu'elle se voit lumineuse, comme étant la Lumière elle-même, elle s'aperçoit qu'elle n'est point la forme ou l'Ego, comme elle l'avait cru jusque là, mais la Vie. Elle ne voit plus, dès lors, du point de vue de la forme qui la cerne, l'individualise. Elle ne se connaît plus et elle ne connaît plus les êtres comme forme, et par conséquent comme individus, mais comme la Vie, bien que, même après son identification avec la Vie universelle, elle garde toujours son originalité individuelle.

La Vie étant infinie, et chacune de ses palpitations étant la génération d'une de ses filles immortelles, d'une conscience, on peut dire que toutes les consciences générées le sont concentriquement, du fait de l'infinité de la Substance, et qu'elles évoluent, toutes, sphériquement, soit dans toutes les directions de l'Infini, si l'on veut bien me permettre ce langage barbare qui me fait donner des directions à l'Infini.

Le rayonnement irrésistible de la Vie qui les anime, produit, en refoulant toujours plus loin la surface de leur sphère, une sorte de sublimation de ces consciences. A un certain degré de leur épanouissement, elles sont devenues à ce point subtiles et spirituelles, que leur sphère n'a plus en réalité de surface véritablement résistante, d'individualité, pour faire obstacle à leur vie rayonnante. Cette surface n'est plus qu'un voile de plus en plus ténu, au travers duquel la vie individuelle peut déjà aller joindre consciemment la Vie universelle qui est sa propre extension au delà et à l'infini, voile qui finalement doit complètement se dissoudre. Ainsi les fleuves, en s'immergeant dans
l'Océan, perdent leurs rives.

LUDOWIC REHAULT - Nice, 1934